Suppression de la Taxe Professionnelle

Posté par pcfmaubeuge le 7 mars 2009

Pour des territoires solidaires

Les élus vent debout contre la suppression de la taxe professionnelle

On aura rarement assisté à une telle unanimité : le 24 février dernier, les représentants – toutes tendances confondues – de rien moins que neuf associations d’élus locaux (1) se sont retrouvés à Paris pour s’inquiéter de l’annonce par Nicolas Sarkozy de la suppression d’ici 2010 de la taxe professionnelle (TP), qui constitue leur première ressource fiscale, les communautés de communes étant les plus impactées. Tous ont souligné le danger que représente cette annonce au moment où les collectivités locales, qui pèsent 73 % des investissements publics, soit quelque 43 milliards d’euros, se voient sollicitées pour soutenir l’économie. De plus, devait indiquer Michel Destot, le président de l’AMGVF, elles ont besoin de garanties de visibilité pour s’engager sur des périodes de 10 à 20 ans, elles qui sont tenues à l’équilibre de leurs comptes. D’autres intervenants ont insisté sur la nécessité de maintenir le lien entre entreprises et territoires, et sur le fait qu’une telle mesure risquerait d’être contre-productive, les entreprises, délestées de la TP, ne pouvant plus compter sur des collectivités privées de ressources pour leur assurer l’environnement favorable dont elles ont besoin. Alors, qui va payer ? La « taxe carbone », seule proposition connue à ce jour, présente le double inconvénient de peser sur les ménages et de ne pas être pérenne, puisque vouée à s’éteindre d’elle-même. Les élus locaux, qui ont remarqué que les précédents allègements de la TP n’ont guère freiné les délocalisations, suggèrent plutôt de « rééquilibrer l’impôt économique local entre les différents secteurs d’activité ». Un impôt économique local synonyme, pour Bruno Bourg-Brocq de la FMVM, « de partage des richesses dans nos territoires ».

Etaient représentées l’Association des maires de France (AMF), l’Association des maires de grandes villes de France (AMGVF), l’association des petites villes de France (APVF), la Fédération des maires des villes moyennes (FMVM), l’Association des maires ruraux de France (AMRF), l’Association des maires d’Île-de-France (AMIF), l’Assemblée des communautés de France (ADCF), l’Association des communautés urbaines de France (ACUF) et l’association Ville et Banlieue.

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jeanjacquesparis.jpgSuppression de la taxe professionnelle, rapport Balladur : Entretien avec Jean jacques Paris, secrétaire général de l’ANECR (Association Nationale des Elus Communistes et Républicains), vice-président du Conseil général de Gironde.

 

La Terre : Avez-vous été surpris par l’annonce de la suppression de la taxe professionnelle (TP) d’ici 2010 ?

Jean-Jacques Paris :

Pas vraiment. Nicolas Sarkozy satisfait une demande ancienne et pressante du Medef. Pas surpris mais choqués, car c’est un coup terrible porté à la démocratie, aux services publics locaux – et in fine, au pouvoir d’achat des ménages.

Que représente la TP pour les collectivités locales ?

Une enveloppe globale de 29 milliards d’euros – dont 10 milliards environ font d’ores et déjà l’objet de compensations versées par l’Etat, suite aux diverses « réformes » qui en ont réduit le produit. Toutes ces mesures – suppression de la masse salariale, limitation à 3,5 % de la valeur ajoutée… – ont peu à peu dénaturé la TP, dont le sens premier était le lien de l’entreprise avec le territoire. Résultat : alors qu’il y avait encore un certain équilibre, dans les finances locales, entre ménages et entreprises, ces dernières seraient exonérées de toute contribution solidaire au territoire. C’est extrêmement grave.

On parle d’une taxe carbone…

Ajouter une nouvelle taxe pesant essentiellement sur les ménages, ce serait ajouter aux inégalités sociales. Quelle que soit la fiscalité concernée, elle doit être progressive ; c’est-à-dire qu’elle permette à chacun de contribuer selon ses capacités, conformément aux principes républicains.

Alors vous prônez le statu quo ?

Nous réclamons depuis longtemps une réforme de la fiscalité locale ! C’est une nécessité, avec les transferts de charges insuffisamment compensés par l’Etat qui se sont multipliés ces dernières années, et qui mettent à mal les finances locales. Par souci à la fois de justice sociale et d’efficacité, nous proposons d’appliquer à l’entreprise une taxe qu’on pourrait dire de « développement solidaire des territoires ». Elle intégrerait dans son calcul les revenus et actifs financiers des entreprises, qui échappent aujourd’hui à toute contribution territoriale. Cela apporterait plusieurs milliards de recettes, avec un effet de levier sur l’emploi puisqu’on favoriserait les entreprises qui se développent, qui créent de l’emploi, plutôt que celles qui spéculent. Aujourd’hui c’est l’inverse : l’industrie, l’énergie et les transports paient les deux tiers de la TP, alors qu’ils représentent seulement 33 % de la valeur ajoutée. Il faut inverser la vapeur, pour favoriser ces secteurs porteurs d’emplois.

Mais on nous explique que ces taxes poussent aux délocalisations…

Au contraire : moins on investit dans la finance, plus on investit dans la qualification, la formation des hommes, et plus on ancre l’entreprise dans le territoire. De plus une entreprise a besoin d’un environnement propice, de services, pour elle et pour ses salariés : sa contribution solidaire au territoire n’est qu’un juste retour.

Quel regard portez-vous sur le rapport Balladur ?

Il ne faut pas se laisser abuser par le brouhaha qui entoure sa sortie : le véritable objectif, défini par Nicolas Sarkozy lui-même, c’est la réduction de l’action publique et de la dépense publique, afin d’ouvrir de nouvelles parts de marché au privé. C’est une forme de RGPP appliquée aux collectivités locales. Il s’agit en même temps de s’attaquer en profondeur aux services publics locaux et à la démocratie locale, en éloignant les citoyens des lieux de décision et en faisant des collectivités des outils zélés au service de l’Etat. Tout ça s’accompagnerait de redécoupages et de modes de scrutin corsetant le pluralisme, pour mieux étendre le bipartisme à tous les niveaux de la vie publique.

Que deviendraient les communes ?

Elles seraient noyées dans des « métropoles » – ou des communautés – élues au suffrage universel direct et dotées de la compétence générale, qui pourront s’occuper de tout. Que resterait-il de la commune ? Une coquille vide ! Ce serait la fin à la fois de la libre administration des communes, et d’une administration communale de proximité, où les élus sont quotidiennement au contact des citoyens. Le rapport Balladur fait disparaître cet outil de citoyenneté qu’est la commune.

Quelles propositions faites-vous ?

Il faudrait une sorte de charte de citoyenneté, avec des outils législatifs permettant aux citoyens de participer mieux, de participer vraiment à la vie de sa commune, pour tout ce qui concerne le développement du territoire et la réponse à leurs besoins. Par ailleurs, on ne peut pas non plus parler de démocratie sans tendre vers un scrutin proportionnel, le seul qui permette une juste représentation de toutes les sensibilités. Et puis – et là on revient à la TP – on ne saurait parler de réforme sans s’attaquer frontalement aux inégalités territoriales, parce que nos territoires n’ont pas tous les mêmes atouts, les mêmes moyens. Nos propositions incluent donc l’idée d’une péréquation, organisant au niveau national la solidarité des territoires les plus riches envers ceux qui le sont moins. C’est le contrepied exact du projet de Sarkozy, qui veut au contraire mettre les territoires en concurrence, les jeter les uns contre les autres, en exonérant l’entreprise de toute contribution ! Enfin, nous posons la nécessité de donner aux collectivités locales, qui représentent aujourd’hui les trois quarts de l’investissement public, les moyens financiers de rester dynamiques. Cela passe en premier lieu par des dotations d’Etat qui arrêtent de se rabougrir comme elles le font depuis deux ou trois ans. Mais il y a aussi des choses à réfléchir pour l’imposition des ménages. Par exemple sur le foncier bâti, différencier celui qui achète de nombreux appartements pour les louer, et celui qui est propriétaire d’un logement qu’il habite. La taxe d’habitation doit également devenir beaucoup plus progressive et plus juste qu’aujourd’hui.

Mais n’y a-t-il pas quand même nécessité de simplifier l’administration locale ?

Le « millefeuille administratif », c’est un argument populiste. C’est vrai que la décentralisation en plusieurs étapes fait qu’on a parfois du mal à s’y reconnaître. Il y a aussi un déficit d’instruction civique. Mais notre architecture territoriale, dont les bases – notamment les départements et les communes – ont été jetées à la Révolution française, s’appuie toujours sur les valeurs de la Révolution : démocratie, égalité, proximité. Et si on regarde autour de nous, les autres pays, même s’ils ont moins de communes, ont au final à peu près autant d’échelons. Alors, oui, il y a des choses à changer. Par exemple, si le suivi des personnes au RMI ou l’accompagnement des personnes âgées sont pertinents à l’échelon local, confier aux départements le paiement du RMI et de l’APA n’a aucun sens : c’est au contraire un facteur d’inégalités. Si on parle de solidarité nationale, alors il faut que ce soit équitable, que tout le monde soit logé à la même enseigne. Personne n’est opposé à des réformes ; mais ce qui compte, c’est le sens de ces réformes.

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